Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/138

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— Ce moment les fait toutes oublier, madame, reprit mon maître ; et, si vous ne souffrez plus, je rendrai grâce à cet événement, puisque…

— C’est vraiment, interrompit le major, un hasard bien heureux qui nous a fait rencontrer monsieur aussi à propos…

— Je pense que madame de Verseuil disait alors tout bas, comme madame de Volmare dans le Mariage secret :

    Ah ! des hasards pareils, on en a quand on veut.

Mais, quelle que fût sa pensée, elle parut écouter avec plaisir tout ce que raconta le major sur l’empressement que nous avions mis à la secourir ; après toutes les phrases d’usage en pareille circonstance, il finit par dire à mon maitre, qu’il désirait trouver une occasion de lui renouveler les expressions de sa reconnaissance.

— Vraiment, elle ne manquera pas, reprit madame d’Olbiac, puisque M. de Révanne est un des aides de camp de mon frère, et qu’il va le rejoindre.

À cette nouvelle, le major redoubla de politesses, et se félicita de l’agrément de continuer sa route en si aimable compagnie ; car il espérait bien, ajouta-t-il, que M. de Révanne se joindrait à lui pour escorter ces dames.

— Pourquoi déranger monsieur, reprit madame d’Olbiac ; il est sans doute pressé d’arriver au quartier-général.

— Pas plus que moi, je pense, répliqua le major, à moins qu’il ne soit porteur de quelques dépêches particulières.

Gustave ayant répondu que rien ne l’empêchait d’être aux ordres de ces dames, chacun remonta en voiture, après être convenu de se retrouver le soir au grand hôtel de l’Europe, près la place de Bellecour.

Si le bonheur est silencieux, la joie est bavarde ; celle que ressentait mon maître avait besoin de s’exhaler ; mais, comme il n’aurait pu m’en confier le sujet sans me paraître inconséquent, le souvenir de ce qu’il m’avait dit peu d’heures auparavant l’engagea à dissimuler de son mieux ce qu’il éprouvait. Cette sage discrétion n’aboutit qu’à me faire supposer