Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/152

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— Sans doute, répliqua le général, veillez à ce qu’on ne fasse point de bruit près d’elle, dites-lui que nous allons célébrer le plus doucement possible son heureuse arrivée.

— Un moment, ne l’abusons pas, ajouta en riant un gros colonel, dites-lui bien, ma belle enfant, que nous allons noyer nos regrets dans le vin de son mari.

— Et que notre premier toast sera pour la plus charmante malade, dit Gustave.

— Je n’y manquerais pas…, fut le dernier mot de mademoiselle Julie, qui, ravie d’avoir à en rapporter un de M. de Révanne, s’enfuit sans vouloir en entendre davantage.

Ce message, qui enlevait à plusieurs personnes la douce espérance de passer la soirée avec une femme aimable, donnait aux autres la crainte de ne pouvoir rire et boire à leur aise ; car le général pourrait être inquiet de sa femme, et il n’est pas décent de s’amuser chez son chef quand il n’est pas en humeur de se divertir. Ces différentes réflexions menaçaient d’attrister le souper, si Gustave, inspiré par je ne sais quel heureux caprice, n’eût ranimé la gaieté en se livrant aux plus piquantes saillies. On lui sut bon gré de son enjouement, et surtout de son zèle à griser le général ; enfin lorsque, vers trois heures du matin, on pensa à se retirer, chacun se félicita d’avoir acquis un si joyeux camarade.

Le lendemain, l’indisposition d’Athénaïs durait encore ; cependant elle se leva pour passer la journée avec les amis qui allaient la quitter de nouveau. Un ordre de Bonaparte enjoignait au général Verseuil de se mettre en marche pour venir camper dans les environs de Mondovi. Les soldats reçurent la nouvelle de ce prochain départ avec enthousiasme : ils se flattaient qu’en se rapprochant du chef de l’armée, ils ne manqueraient plus de rien ; et d’ailleurs, ils marchaient à la victoire.

Cette ardeur belliqueuse, si commune alors, s’empara aussi de moi. Sans prétendre aux lauriers dont allaient se couvrir nos braves, je n’ambitionnai que l’honneur de les voir cueillir, et je conjurai mon maître de me laisser l’accompagner partout où l’on se battrait, au risque d’attraper pour ma part quelques balles, ou autres petits profits de la gloire.