coûte l’affection du seul être que j’adore, je serai trop puni, puisqu’aux plus grands coupables on n’ôte que la vie. »
Ce billet fut confié à la prudence de mademoiselle Julie, qui après m’avoir promis de choisir un moment favorable pour le remettre à sa maîtresse, me dit :
— Eh bien, Victor, comprenez-vous quelque chose à la maladie subite de madame Rughesi ? Que lui est-il donc arrivé cette nuit ? On dit que votre maître était là, quand elle s’est trouvée mal ?
Et mademoiselle Julie accompagnait toutes ces questions d’un malin sourire. J’eus bien de la peine à lui faire entendre que M. de Révanne s’étant promené dans le jardin au sortir du bal, avait rencontré madame Rughesi par un heureux hasard, au moment où elle venait de perdre connaissance.
— Ce qui me confond, reprit Julie, c’est que cet événement, qui a bouleversé toute la maison, et fort inquiété le général, n’a pas causé la moindre surprise à madame. Quand je le lui ai raconté, elle m’a demandé seulement si madame Rughesi n’avait pas été trouvée évanouie vers le bosquet d’orangers qui est au pied de la terrasse.
— Et quel air avait-elle en vous faisant cette question ?
— Mais un air fort tranquille. Elle m’a donné ensuite l’ordre d’aller m’informer, de sa part, des nouvelles de madame Rughesi, et quand je suis revenue lui dire qu’elle avait été dans un véritable danger, et que le médecin prétendait que son état demandait les plus grands soins :
« — Ils ne lui manqueront pas, a-t-elle dit d’un ton dédaigneux. »
Puis se félicitant du parti que le général avait pris de quitter cette maison tout de suite, elle m’a pressée d’emballer tous nos effets pour les envoyer ce matin à l’hôtel de Rome. Ne nous y suivrez-vous pas ?
— Je n’en sais rien, il me semble qu’il n’y a pas de nouveau logement retenu pour nous. Au fait, ce n’est guère la peine de déménager, si nous devons quitter Milan demain.
— J’entends, votre maître veut soigner la malade ; c’est