Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/222

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Rinaldo à paraître leur complice, à marcher à leur tête, — et à s’emparer de moi, ajouta madame de Verseuil, pour me conduire secrètement chez elle. C’est ici que, mourante d’effroi, j’ai reçu d’elle et de tous ses gens la plus douce hospitalité ; mais il était essentiel de laisser ignorer ma retraite, car on menaçait de mort tous ceux qui donnaient asile aux Français. C’est pourquoi je vous ai causé une plus longue inquiétude ; mais la voilà dissipée. Oubliez mes dangers. Vraiment, je suis tentée de les bénir, en voyant combien j’étais déjà tendrement regrettée. Le regard qui suivit ces derniers mots tomba sur Gustave sans le ranimer.

Absorbé dans les plus sombres réflexions, déjà livré aux remords de l’horrible injustice qu’il venait de commettre, il n’entendait rien de ce qu’Athénaïs lui adressait d’affectueux, et lui répondait avec peine quelques mots au hasard, qui, n’ayant aucun sens, trahissaient encore plus le trouble de son âme.

Enfin, M. de Verseuil prit la parole pour raconter les événements du jour, et comment Bonaparte, instruit des horreurs dont la révolte avait été le prétexte, venait de prendre les mesures les plus rigoureuses pour empêcher le retour de ces désordres et en punir les auteurs.

— Il marche ce soir même sur Pavie, ajouta-t-il ; c’est là qu’est le foyer de l’insurrection, et je crois que les chefs en vont payer cher la première tentative. Lannes est déjà parti en avant pour incendier le village de Binasco. Le général en chef m’a commis avec Despinois à la garde de cette place, et c’est vous, dit-il en se retournant vers Gustave, qui lui porterez demain, à Pavie, nos dépêches. En attendant, rendez-vous au palais pour y prendre de nouveaux ordres, et faites part au général du retour de ma femme. Je vais la reconduire à l’hôtel de Rome ; il ne faut pas gêner plus longtemps madame Rughesi ; demain, nous reviendrons la remercier. Mais ne perdez pas de temps : Bonaparte pourrait avoir besoin de nous cette nuit même ; il faut nous tenir prêts.

Ce devoir à remplir pouvait seul rendre Gustave à lui-même ; il se leva sur-le-champ, vint me prendre, et me dit de l’accompagner au palais ducal ; mais à peine étions-nous