Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/249

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contenance de nos soldats et de leurs généraux, et encore ébloui par la vue de Bonaparte, rend compte à son chef de l’accueil qu’il vient de recevoir. Celui-ci, surpris d’apprendre que Bonaparte et son état-major se trouvaient à Lonado, demande à capituler.

— Non, répondit avec fierté le général en chef ; je ne puis capituler avec des hommes qui sont mes prisonniers.

L’autrichien insistait. Alors Bonaparte ordonne une démonstration d’attaque, et le commandant ennemi se rend sans condition. Trois drapeaux, quatre pièces de canon, quatre mille hommes sont livrés au général, qui, peu de moments avant, pouvait devenir leur prisonnier. Après un tel fait, comment s’étonner de voir la destinée des empires soumise au génie d’un seul homme !

À peine sorti par miracle de ce pas dangereux, Bonaparte vit ses succès couronnés par la défaite complète des Autrichiens à Castiglione. C’est à cette fameuse journée, où le brave Augereau s’acquit tant de gloire, que mon maître eut le bonheur d’attraper un coup de sabre, tout au travers de la joue droite. Quand je le vis revenir ainsi balafré, je m’écriai d’un ton lamentable :

— Oh ! ciel, le voilà défiguré pour toute sa vie !

Et Bernard me dit en levant les épaules :

— Vraiment, je te conseille de le plaindre ; ne sais-tu donc pas que ce sont des coups de fortune que de pareilles blessures ? Va, si l’on pouvait en acheter, ton maître aurait bien de l’argent de celle-là ; tu verras quelle bonne mine il aura demain à la revue avec sa mentonnière. Morbleu ! il ne lui manquait qu’une balafre comme celle-ci pour être le plus joli garçon de l’armée.

Et Gustave, qui écoutait ce discours en faisant panser sa plaie, supportait avec une sorte de joie la souffrance qu’elle lui faisait éprouver. Il se flattait que Bernard pouvait avoir raison en disant qu’une noble cicatrice ne gâte jamais le visage d’un officier ; et quand le lendemain il parut devant Bonaparte, il se sentit fier de pouvoir lui montrer qu’il avait eu sa part des honneurs de la bataille.

La nouvelle de ces journées glorieuses, appelées la Campa-