Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/268

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vos discours, dans le mal que vous sentez, et que vous faites. Je vous aime.

Et, subjugué par la puissance de ces trois mots, Gustave revenait chercher aux pieds d’Athénaïs son pardon, et l’oubli des soupçons que le lendemain voyait renaître.

Un soir qu’il en était encore plus tourmenté qu’à l’ordinaire, on lui remit une lettre de madame de Révanne, où se trouvait le passage suivant :

« Je dînais chez madame Bonaparte lorsque l’aide de camp L… est venu lui apporter la nouvelle de la glorieuse affaire de Castiglione. On s’empresse autour de lui ; on interrompt son récit par mille questions, par des exclamations sans fin. Au milieu de tout ce bruit, j’attrape ces mots :

» — Votre fils a fait des merveilles, un poste enlevé, une avant-garde culbutée, vingt-cinq prisonniers, un coup de sabre au travers du visage…

» — Et mon mari ! s’écrie madame M…, n’est-il pas blessé ?

» — Et mon frère, dit une autre.

Et toutes ces sollicitudes m’empêchent d’en savoir davantage.

» Je prévois que, harcelé par tout le monde, L… ne pourra me donner aucun des détails qui m’intéressent tant, et je l’engage à venir dîner le lendemain avec moi ; il accepte enfin. Grâce à son intérêt pour toi, et à sa commisération pour ma curiosité maternelle, j’ai appris de lui tout ce que j’aurais dû tenir de ta confiance. Je pleure Stephania, je redoute cette Athénaïs si séduisante, si coquette. Je te vois engagé dans une intrigue dangereuse, placé entre la protection, l’amitié d’un brave général, et les agaceries, les faveurs de sa femme ; et je déplore avec toi les ennuis qu’une telle situation entraîne ; mais il est peut-être encore temps de t’y soustraire. Ah ! s’il est vrai, cher Gustave, n’hésite pas un instant à t’affranchir d’un joug honteux. Ce que j’ai vu, ce que je sais de madame de Verseuil, me suffit pour la ranger au nombre de ces femmes dont la vanité est à la fois le génie et le tyran. Affamées de succès, on les voit tout braver pour en obtenir. Porter le désespoir dans un cœur, le trouble dans une famille, voilà leurs plus doux plaisirs. C’est dans les obstacles à vaincre, les sentiments à corrompre, les devoirs à violer qu’elles trouvent un