Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taires qui pouvaient expliquer le texte. Aucun détail n’était omis, et l’infâme anonyme se justifiait surtout par la pitié que lui inspirait un brave mari dont tout le monde se moquait, et qu’il fallait enfin éclairer sur ce qui se passait chez lui.

Mon maitre et son bataillon étaient déjà en route pour Rivoli, où le général devait se rendre le lendemain. Minuit venait de sonner. Après avoir tendrement embrassé sa femme, M. de Verseuil, rentré dans sa chambre, s’apprêtait à se mettre au lit, quand il vit sur sa cheminée une lettre à son adresse. L’ouvrir, rester un moment anéanti, se relever furieux, courir chez sa femme, l’accabler de reproches, de menaces, tel fut le prompt résultat de cette lâche dénonciation. Il n’y avait pas moyen de nier ; il ne restait qu’à demander grâce ; mais l’orgueil et les projets d’Athénaïs s’opposaient également à cet acte de repentir. Sans s’abuser sur les inconvénients d’un éclat scandaleux, elle vit à l’instant même les avantages qu’elle en pouvait tirer. M. de Révanne était jeune, riche, généreux ; il était la cause de la perte de sa réputation ; il en serait le réparateur. Forte de cette assurance, elle fit à son mari non-seulement l’aveu des torts qu’elle avait envers lui, mais encore de ceux qu’elle n’avait pas. Enfin, elle imagina tout ce qui pouvait rendre le pardon impossible, et joignit tant d’injures à sa confession générale, que son mari, ne pouvant plus contenir son indignation et sa colère, lui ordonna de quitter sur-le-champ sa maison et le nom de Verseuil.

C’était de cet excès de honte et de malheur qu’Athénaïs attendait le retour d’une existence brillante, et la sévérité de M. de Verseuil lui répondait du dévouement de Gustave ; mais, loin de le réclamer, elle se contenta de l’instruire par ce billet de ce qui s’était passé :

« Nous sommes trahis. J’ignore quel motif a pu engager cette misérable Julie à remettre entre les mains de M. de Verseuil ma réponse à vos adieux ; mais il sait tout. Vous devinez l’affreuse scène qu’il m’a fallu subir. On en voulait d’abord à ma vie. Ce n’était point assez même pour expier le crime de vous aimer. Enfin, on m’en tient quitte pour le divorce.