Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/313

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femmes charmantes, offraient la réunion de tout ce qui peut charmer l’esprit et les yeux. Mais toutes les séductions imaginables n’auraient point déterminé Gustave à rentrer dans cette ville, et il refusa plusieurs fois la faveur que son général croyait lui accorder en le chargeant de porter ses dépêches aux autorités de Milan. Ce séjour si agréable pour tous les officiers ne lui présentait plus que l’aspect d’un tombeau, et peut-être, en l’éloignant de ces plaisirs dangereux, l’ombre de Stephania lui a-t-elle sauvé de nouveaux remords.

Au moment où j’écris ces Mémoires, j’apprends qu’il en vient de paraître dans lesquels les événements de cette seconde campagne sont retracés avec autant d’exactitude que de talent, et que les auteurs mêmes se sont emparés de tous ces petits détails qui composaient ma fortune. Ainsi dépouillé de mes faibles ressources, il ne me reste plus qu’à parler de nos intérêts particuliers ; aussi dirai-je tout simplement qu’après s’être distingué dans les affaires les plus périlleuses de cette illustre campagne, mon maître, honoré d’un grade supérieur, fut admis par le général en chef au nombre de ses aides de camp, et qu’après la signature du traité de Campo-Formio, et la promotion de Bonaparte au commandement en chef de l’armée des côtes de l’Océan, Gustave reçut l’ordre d’aller attendre son général à Paris, pendant que ce dernier se rendrait à Rastadt pour y présider la légation française.

Aucune aventure galante n’ayant occupé mon maître durant cette longue absence, je pensai que son cœur, partagé entre le souvenir de cet enfant dont il parlait sans cesse, et l’image adorée de madame de Verseuil, n’éprouverait désormais que les combats d’une double tendresse. Il en eût été ainsi sans le hasard qui amena M. de Léonville en Italie au moment où nous allions la quitter. Gustave éprouva d’abord un vif plaisir à embrasser l’ami de sa famille, à l’entendre parler de madame de Révanne ; mais quand M. de Léonville eut satisfait à toutes ses questions sur sa mère, on passa à des intérêts moins chers, et Gustave ayant demandé ce que devenait Alméric, fut frappé comme par la foudre en entendant cette réponse :