Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Déjà ! s’écria madame de Verseuil en affectant une émotion pénible ; et sait-on combien durera ce voyage ?

— On ne saurait le prévoir ; mais, quelles que soient les raisons qui pourraient m’en empêcher, ajouta Gustave d’un ton solennel qui devait être compris d’Athénaïs, je serai ici le 5 mars.

À ces mots, il se retira ; madame de Verseuil ne fit pas la moindre instance pour le retenir.

Peu de jours après, mon maître eut avec M. de Léonville un entretien fort long, dont je n’entendis que ces paroles dites en le reconduisant :

— Chargez-vous d’écrire à mon père ; vous connaissez mes dispositions. Soyez le protecteur des êtres que je vous confie, et secondez-moi dans les efforts qu’il me faut faire pour accomplir un si grand sacrifice.

— C’en est fait, me dit Gustave l’instant d’après ; M. de Léonville va m’obtenir le consentement de mon père, et, à mon retour, le contrat sera prêt à signer. Un si grand dévouement doit expier mes fautes. Ah ! que ne puis-je dévoiler les tourments de mon âme à tous ceux que de folles passions sont prêtes à entraîner ! que ne puis-je les détourner de ces vains succès que les regrets, les remords accompagnent, de ces éclairs de joie qu’il faut payer du déshonneur, de la vie d’une femme, de son propre repos, et du bonheur auquel on pouvait prétendre ! car, tu le sais, Victor, l’avenir le plus doux m’était promis ; que d’heureux jours j’aurais passés entre Lydie et ma mère ?…

Et Gustave essuyait ses yeux.

Dans l’attendrissement profond que me causait sa peine, je tentais de l’adoucir par tous les moyens.

— Si madame de Verseuil, lui disais-je, savait tout ce qu’il vous en coûte pour remplir votre serment, sa fierté vous en tiendrait peut-être quitte.

— Je n’en serais que plus à plaindre, reprit Gustave, et j’aime mieux avoir à me reprocher mon malheur que le sien. Quand mon nom, ma fortune auront servi à m’acquitter, je ne la fatiguerai pas du mépris qu’elle m’inspire, et je lui épargnerai la peine de me tromper de nouveau. Séparé d’elle