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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/340

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à jamais, je ne serai pas responsable de sa conduite ; et, satisfait de lui avoir rendu les biens dont je l’ai privée, j’irai loin d’elle oublier, s’il se peut, la honte de l’avoir aimée.

En ce moment, M. de Saumery entra brusquement, et dit à Gustave :

— Venez donc consoler votre mère. Je l’ai trouvée tout en larmes : sa nièce veut la quitter ; et elle se désole comme un enfant de ce départ.

— Hélas ! je ne puis que m’en désoler aussi, dit Gustave ; car ce n’est pas à ma prière que madame de Civray consentirait à rester près de nous, elle qui ne veut pas même me voir.

— Ce n’est pas là son tort, vous le savez bien ; mais c’est très-mal à elle d’abandonner ainsi sa tante.

— Dites-lui que je pars incessamment, et vous verrez qu’elle restera.

— Je ne le pense pas.

— Essayez toujours ; et, de plus, implorez-la, s’il le faut, de ma part.

— Ah bien, oui ! l’implorer, moi ? Vous ne savez donc pas que nous ne nous parlons plus ?

— Quoi ! son plus ancien ami la délaisse ? s’écria Gustave.

— Que voulez-vous ? elle est folle. Je lui ai prédit où la conduirait sa démence ; elle ne m’écoute pas, et nous sommes brouillés.

— Il faut que vous ayez tort ; car Lydie est si bonne… Convenez-en ; vous l’aurez offensée ?

— En lui prouvant qu’au lieu de passer sa vie à pleurer un ingrat, elle ferait bien mieux d’épouser un homme aimable ; vraiment, l’insulte est grande !

— Ah ! c’est pour ce motif ? reprit Gustave en cachant mal sa douce émotion.

— Oui, souriez, je vous le conseille. Voilà bien la vanité des hommes ! N’êtes-vous pas fier de ce triomphe ? Le bel honneur, d’empêcher une femme dont on ne se soucie plus d’être heureuse avec un autre !