Oui. Pourquoi ? Ses parents la laissaient très libre. Sa mère avait ses bridges, son père ses affaires. Si on lui demandait l’emploi de son temps, elle répondrait simplement :
— J’ai canoté avec un camarade.
Pour Mario, qui soupçonnait le péché par tous ces élans et ces moteurs d’un corps qui, par moments, semblait fondre sous lui, leur rendez-vous n’était pas aussi simple.
Il se souvint brusquement de Fouque et de l’image nue… Malgré lui, il s’éloigna de Claire. Qu’elle ne sache pas ! Qu’elle ne comprenne jamais ces choses !
Ils atteignirent, par un chemin bordé d’arbres, la maison du vieux qui louait les barques.
Mario s’était débarrassé de sa veste et ramait à grands coups silencieux. Les palettes de bois, après la plongée, glissaient un instant sur l’eau, puis replongeaient.
— Nous allons dans l’île ? questionna Claire, assise en face de lui.
— Bien sûr !
— C’est si beau une île !
— Oh ! oui… Être seuls ! Vivre loin du monde.
Le monde, c’était l’ennemi, les autres, ceux qui ne comprenaient pas, ceux qui étaient différents ! Il ne savait qui, des autres ou de lui, avait raison. Tout le drame était là.
— Je préfère les fleuves aux lacs, disait Claire.
Un fleuve,
De l’eau toujours neuve,
Qui vient d’où ?
Pour aller où ?
— Vous êtes poète, interrogea-t-elle ?
De peur qu’elle se moquât de lui, il s’en défendit.
— On est bien, soupira-t-elle, en montrant ses dents égales comme des grains de riz.