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ADOLESCENCE

Elle portait une jupe bleue, toute plissée, et un chandail d’un bleu plus pâle, qui montait jusqu’au col.

La petite jaquette de fourrure était lovée à ses pieds comme un animal familier.

Mario enveloppait l’adolescente de son regard, pour graver sous ses paupières et la retrouver intacte le lendemain. Il ne s’attarda pas aux jambes, pourtant élégantes et féminines. Les jambes, pour lui, étaient terriblement prosaïques. Elles servaient à marcher. C’était tout.

Il baissa les yeux et se sentit subitement très malheureux. Il avait de grands pieds et ses chaussures grossières en accentuaient encore la laideur.

C’était de ces chaussures inusables qu’on lui achetait exprès. Non par économie, mais par un de ces principes que la bourgeoisie a acceptés une fois pour toutes.

Elle mit ses doigts dans l’eau qui était fraîche et rit de la sensation éprouvée.

La main blanche laissait un sillage, comme un voilier minuscule.

Mario, malgré lui, pensa à ses mains.

Ses doigts étaient tachés d’encre, ses ongles cassés ou rongés, sa chair couturée de cicatrices.

Une fois de plus, il comprit qu’il n’était pas digne d’elle.

— L’île ! criait Claire de la voix que durent avoir tous les conquérants.

Ils sautèrent sur la rive. Et, tout de suite, elle se mit à courir, droit devant elle, ses mèches blondes battant sa nuque.

Il partit à sa poursuite, les poings serrés, les lèvres durement closes, sautant par-dessus les fourrés. Il ne l’atteignit qu’après une longue course.

Il la tenait pressée contre un arbre moussu et froid.

L’étreinte dura quelques instants. Leurs chaleurs se mêlèrent. Il sentit le parfum de ses cheveux, mais ne