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L’HÔTE QUE L’ON N’ATTENDAIT PLUS

Depuis que son père, un archéologue estimé des savants bien qu’ignoré du public et dont Brigitte avait été l’élève en même temps que l’aide la plus dévouée était mort, il ne l’avait jamais perdue de vue. Aujourd’hui, il paraissait ému et joyeux à la fois.

— Il y a plus d’une heure que je vous attends ! dit-il. Où diable étiez-vous ?

— Chez des amis à faire un bridge. Mais qui vous a ouvert ?

— La concierge, sur ma demande. Je voulais absolument vous voir.

— Qu’y a-t-il ?

— Une nouvelle qui va vous faire plaisir. Voulez-vous rejoindre, sans tarder, la mission Sandremont en A. O. F. ? On a besoin de vous immédiatement.

Sa surprise était si forte qu’elle en oubliait d’être heureuse.

— Mais… il y a un mois qu’ils sont partis.

— Un des leurs est tombé malade. Les fièvres !

La jeune fille se laissa tomber sur un siège :

— C’est trop beau !… Je n’ose pas y croire !

Lorsque les autres s’étaient embarqués, elle n’avait pu s’empêcher de les envier. Si son père avait été là, elle aurait fait partie de l’équipe choisie. Et voilà que la chance la rattrapait, un soir comme les autres… un soir qu’elle n’oublierait jamais.

— Vous devez partir dans trois jours. Vous prendrez l’avion jusqu’à Parakou. Il n’y a plus une minute à perdre.

Cette nuit-là, elle n’avait pas pu dormir.

L’Afrique ! Avait-elle rêvé de ses forêts impénétrables comme une mer, de ses plantes qui tendent leurs branches où jouent des insectes pareils à des feuilles, de ses masques effrayants, de ses fétiches enterrés secrètement au pied des arbres sacrés, de ses sacrifices secrets au Nia de la terre et des eaux, de ses pistes barrées, mystérieux passages dont nul n’aurait osé franchir le frêle