Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
LA LOI DU SUD

rideau de fibres séchées, accrochées à hauteur de la poitrine, de ses hommes-panthères qui enlèvent les femmes et les enfants dans leurs griffes de fer, de ses idoles que l’on découvre soudain dans de minuscules chapelles taillées à même les lianes et les feuillages.

Heureusement, les soucis de son équipement lui permirent d’user son impatience.

Le jeudi, elle prenait l’avion au Bourget et le même soir un second l’emmenait à Alger.

Elle posa ses pieds sur la terre africaine avec une sorte de respect.

Un grand garçon en tenue de pilote s’avança vers elle et la jugea d’un regard clair. Puis il se présenta :

— Antoine Lagey. C’est moi qui vous transporterai à Parakou… Une mauvaise nouvelle : nous devons partir tout de suite, même si vous tombez de sommeil. Je dois porter une pièce à Adrar où l’un de nos appareils est en panne.

— Ça m’est égal ! Je n’ai rien à faire ici et l’on m’attend.

— Parfait !

Puis d’un ton plus aimable, parce qu’il s’étonnait de la voir si fragile et si jeune :

― Pas trop fatiguée, j’espère.

— Non. Je suis si heureuse !

Son enthousiasme le fit sourire. Pourtant elle entrait dans la double catégorie des gens qu’il faisait profession de détester plus que tout au monde : les touristes et les chargés de mission, ces deux plaies de l’Afrique. Il avait entendu tant de questions oiseuses, tant d’exclamations idiotes, que, parfois, il sentait diminuer en lui l’amour terriblement sincère qu’il avait pour le grand désert.

Mais il la jugeait vraie, spontanée. De plus, elle parlait peu, et n’essayait pas sur lui ses séductions faciles de Parisienne fraîchement arrivée.

— Je vais vous montrer mon « taxi », dit-il.