— Eh bien ! si tu me le fais connaître, je te donnerai un bracelet d’argent.
Elle sourit sans répondre, mais je sus qu’elle acceptait.
Les jours, dès lors, me parurent interminables, car il me fallut attendre fiévreusement cet homme dont les lettres, qui ne m’étaient pas destinées, m’avaient émue si profondément et que j’étais seule à avoir lues.
Enfin Fatouma vint me voir.
Elle avait mis ses habits de fête. Près d’elle marchait un jeune noir splendidement vêtu. Sous sa djellaba grise, on voyait un pull-over rose, une cravate d’un vert tendre. Il portait une casquette à gros carreaux bleus et noirs. Et il n’était pas peu fier de cet accoutrement. La joie éclatait dans son visage malicieux et rieur.
Sur la grande place, tous les indigènes le regardaient passer, bouche bée, et les chameaux eux-mêmes posaient sur lui un vague regard chargé d’extase.
Rien ne peut rendre l’accent de triomphe de Fatouma, me disant :
— C’est lui.
— Qui, lui ?
— C’est lui qui écrit les lettres.
Mon rire éclata, irrésistible.
De me voir ainsi égayée, Fatouma se mit à rire à son tour avec des gloussements qui secouaient son vaste corps.
Mais le noir paraissait mal à son aise.
Je clignai de l’œil vers lui.
Et quand je fus calmée :
— C’est vraiment joli, tu sais, je voulais te féliciter depuis longtemps déjà.
Il se gonfla de plaisir sous le compliment, déjà rassuré.
Mais, quand il fut sur le point de partir, je lui glissai, sèchement, pour lui seul :