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LA LOI DU SUD

ouvrit bien grands ses yeux sous les lunettes qu’il lui tendit.

Et le voyage au pays de la lumière commença !

Ce furent d’abord des montagnes coupées d’étroites gorges, des villages, couleur du sol, qui semblaient en ruines, puis la première palmeraie offrant, à perte de vue, sur des troncs élancés, des steppes d’un vert glauque, qui paraissaient devoir être, au toucher, aussi douces que certaines soieries.

— Figuig ! renseigna Antoine.

L’air était d’une extraordinaire pureté et la jeune fille distinguait les moindres détails. Là, un koubba, le tombeau d’un saint marabout, devant lequel des hommes vêtus de blanc faisaient leurs ablutions, ici un oued sec et, tout autour d’une petite gare, un jardin où poussaient trois fleurs victorieuses.

À Colomb-Béchar, quelques personnages officiels étaient là pour assister à l’arrivée de l’avion. Ils vinrent saluer les voyageurs. Ceux-ci repartirent après s’être restaurés légèrement.

— Maintenant, plus de chemin de fer ! dit Antoine. Le désert commence.

Au-dessous, c’était la hamada, la terre dure et caillouteuse, la terre déshéritée, stérile, déchiquetée, qui n’en finit pas d’être morne. Et, comme un sourire dans ce paysage doré, une oasis surgissait.

Les heures passaient. Brigitte ne se lassait pas un instant de regarder.

Après Beni-Abbès, toute blanche, qu’ils survolèrent en laissant tomber un sac postal, il ne lui fut plus possible de rien voir. Le vent s’était levé : un tourbillon de poussière blonde, impalpable, les éloignait du reste du monde. L’avion prit de la hauteur. Brigitte, en même temps que son compagnon, ajusta son chèche.

Elle regarda les mains d’Antoine, qui semblaient sûres et fortes.