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LA LOI DU SUD

— Vous plaît-elle ? questionna Adorata d’une voix qu’elle s’efforçait d’être calme.

— Je ne me suis pas posé la question, murmura-t-il rêveur.

— Cela vaut mieux, chéri. Prenez garde à ne pas vous la poser jamais.

Adorata s’était levée et partait de son pas harmonieux de danseuse.

Patrice réprima un bâillement dès qu’elle eut disparu.

Il s’ennuyait, elle l’aimait trop. Il avait eu d’abord l’impression de l’avoir arrachée aux autres, comme une belle proie ; maintenant, c’était lui qui était la proie de cette femme trop entière.

Il rêva de l’autre. Il savait déjà son nom : Rosie. Elle semblait accueillante, aventureuse, toute simple, une de ces filles qui cèdent tout de suite et qui oublient aussi vite les rêves qu’elles ont dispensés.

— Je la reverrai, décida-t-il… Mais, diable, j’y risque ma peau avec une pareille tigresse.

Mais le jeu l’amusait. Car, pour lui, l’amour n’était qu’un jeu. Seule une femme comme Adorata pouvait s’y tromper et le prendre au sérieux.

Le pêcheur, un gars fruste, avait rejoint Adorata dans une cabane abandonnée par les charbonniers la saison dernière.

— Je veux savoir, dites-moi tout, ordonna-t-elle.

Il triturait dans sa main large les billets qu’elle venait de lui remettre. Mais, plus que l’argent, la beauté de cette femme l’impressionnait.

— J’écoute, insista-t-elle.

— Ils se voient chaque nuit, commença-t-il…

— C’est impossible, voyons, j’ai enlevé toutes les barques.

— Il nage jusque-là.