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LA LOI DU SUD

Deux jours plus tard, elle surprît chez son mari des signes de nervosité et d’impatience.

— C’est pour aujourd’hui, pensa-t-elle.

Une lettre arriva dans l’après-midi. Elle venait d’un laboratoire, celui-là même que dirigeait le médecin qu’ils avaient consulté à leur retour d’Afrique.

Ouvrir l’enveloppe ! Savoir !

Elle n’osait faire le geste qui la libérerait de son inquiétude. Car cela ne pouvait pas être !… Cela n’avait pas de sens !… On ne devient pas lépreux pour avoir respiré le même air que les lépreux !

Elle se souvenait de toutes les précautions qu’ils avaient prises.

Antoine revint, prit la lettre, la lut.

Il pâlit et parut soudain vidé de son sang.

— C’est cela, dit-il simplement.

D’un élan elle fut vers lui.

— Ça ne fait rien… Nous ne nous quitterons pas… Nous irons là-bas en Afrique… Nous vivrons tous deux avec ce secret…

Elle parlait, parlait et, plus que les mots qu’elle prononçait, il comprenait son amour total, sa soif de dévouement.

Elle s’était donnée à lui alors qu’il était sain ; elle n’hésitait pas maintenant à devenir la femme d’un lépreux.

Pourtant, il se souvenait de son effroi lorsque, là-bas, dans la forêt tropicale, elle rencontrait l’un d’eux.

Lui aussi perdrait sa peau, ses membres, sa sensibilité… Il ne sentirait plus rien, ni le froid, ni la faim, ni le désir… Il serait un vivant dans un corps en pourriture.

Et Brigitte, la chère bien-aimée, avec son jeune corps semblable à une plante heureuse, devrait subir son contact ! Non… Non… Il n’accepterait jamais cela !

Que deviendrait la passion qui les avait jetés l’un vers l’autre ? Elle mourrait petit à petit…