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LA LOI DU SUD

Les regards des hommes plongent dans les yeux des filles. Combien de voiles seront soulevés par des doigts impatients ? Combien de corps seront ensevelis par l’amour ?

Un seul méhari restera barraqué devant la tente, mais chaque amour trouvera un autre amour.

L’amzad de Tahia est tombé à ses pieds.

Le Targui est venu près d’elle. Ils se taisent. Les mots sont maintenant inutiles.

On entend une branche qui tombe, une braise qui rougeoie lentement, une gazelle qui passe, un cœur qui bat plus vite. Et seule, impatiente, Marie-Ange attend que Tahia lui donne cet homme dont elle entend battre le cœur très fort.

Les couples s’en sont allés, les méhara portant double charge.

Le feu s’est éteint, que nul ne ranimera.

Tahia est passée près de Marie-Ange, légère, moqueuse, un doigt sur les lèvres.

Puis elle a disparu, laissant l’étrangère seule sous la tente où l’amant doit venir.

Une ombre se glisse, quelques instants après.

Deux bras durs étreignent Marie-Ange, la ploient, la meurtrissent.

Elle s’alanguit…

Peu de temps… Au-dessus d’elle, le Targui a soulevé son voile, elle voit un beau visage plein de haine.

Et, dans la main de l’homme, un poignard qui brille…

Le visiteur nocturne parle, d’une voix brève, irritée :

— Pour toi, j’ai vu des adolescents souffrir, car ils t’aiment sans espoir… Par ta faute, les garçons de la tribu ne pensent qu’à l’amour. Tu as voulu faire de moi une chiffe, un animal rampant. Il faut que tu meurres… Tahia la frivole, l’impudique, la chienne…