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LA LOI DU SUD

et Jean-Claude sont là. Il est appuyé contre le tronc et tient maman violemment serrée contre lui. Leurs lèvres sont unies. Ils ne m’entendent pas arriver. Je pousse un cri de douleur.

— Allons, Françoise, dit maman brutalement, tu n’es plus une enfant. Claude et moi nous nous aimons et nous allons nous marier.

— C’est vrai ?

Jean-Claude essaie de sourire :

— Je sens que je serai un très bon père. J’ai même peur de trop vous gâter.

Voilà.

Je deviens pâle, légère, et, tout doucement, je glisse et m’évanouis sur les pétales déjà noircis.

C’est fini. Tout est fini. Je suis dans mon lit. Tout est lointain. Le cœur, c’est comme une plaie : on doit le préserver, le panser, le cacher, et moi, imprudente, qui l’ai laissé à nu, sans rien craindre.

Je rêve que c’est moi, Françoise, qui était dans ses bras, courbée sous son baiser.

Mais comme j’aurais été ridicule avec ma bosse.

— Josette, ma vieille Josette, je te donne toutes mes robes, c’est dommage que tu sois si grasse, hein ? Dis-leur de partir, tous les deux, vite ; de ne pas s’inquiéter de moi… Je suis un peu malade, mais ce ne sera rien. Tu sais, on ne meurt pas de douleur, on doit remâcher ça dans sa poitrine jusqu’à ce que ça n’ait plus aucun goût. Et puis, après, on regrette le goût qu’avait sa douleur. On ne meurt pas d’amour, parce que c’est l’amour que j’ai rencontré… L’amour ? Je l’avais cependant tué… Josette, je ne l’avais pas bien tué. On ne tue pas les fantômes.