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Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/43

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LA LOI DU SUD

silence ses gestes habituels de ménagère. Remarquant l’attention que lui portait son beau-frère, elle eut un sourire qui se voulait tentant.

La haine que sa découverte avait allumée au cœur de l’Arabe s’exacerba ; rien ne lui semblait plus vil que ces femelles qui recherchent l’amour. Pas un instant, il ne fit un rapprochement entre Kheira et Chiffa. Les Ouled-Naïls constituent une caste à part. Depuis l’enfance, destinées à plaire, elles y sont préparées. L’apprentissage est long ; les danses compliquées. Quand elles retournent à leur montagne, parées de leur collier d’or — leur dot — elles oublient l’art d’émouvoir les mâles. Elles l’apprennent à nouveau, quand une fille leur est née, en redescendant avec elle pour continuer la tradition et veiller sur leur progéniture.

Tout le jour il fut pensif, tourmenté d’une vague impatience qui crispait ses mains. Le soir, comme la veille, il se mit à l’affût devant sa tente, son fusil à la main, posté près du foyer éteint. Les étoiles répandaient une clarté dure qui allumait des parcelles de quartz. Un croissant de lune animait des mirages nocturnes. Non pas des visions d’eau et d’oasis fantômes, mais celles d’êtres : une fantasia d’immenses cavaliers blancs, qui, fonçant dans le vide, ne parvenaient jamais, malgré leur élan, jusque dans la réalité.

L’homme vint le premier au rendez-vous. Peu après, Kheira arriva. Les amants s’étreignirent en silence ; habitués l’un à l’autre depuis longtemps, ils n’avaient rien à se dire, leur amour était seulement une possession, un geste dans la nuit. Ils s’en allaient, l’un près de l’autre, sans même s’enlacer, étrangers presque jusqu’à l’instant où ils s’aimeraient.

Deux coups de feu retentirent, suivis d’un cri aigu. Des hommes se précipitèrent hors de leurs tentes ; réveillés, flairant l’odeur de la mort que leur apportait le vent desséché de sa course sur les étendues calcinées de solitude, les chiens hurlaient lugubrement. Une