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LA LOI DU SUD

elle mourrait en chemin. Je vais tenter d’extraire la balle ici.

Il appela le chauffeur, griffonna quelques mots sur une feuille de son calepin, la lui tendit, en ordonnant, bref :

— Vite ! Ramène l’infirmier avec l’attirail.

Le capitaine s’était assis sur le tapis que l’on avait déroulé pour lui. Les hommes se tenaient à l’écart, formant un cercle. Pas une femme. Un chien blanc aboya, tout à coup. Dans le ciel, d’un bleu irréel, un avion passa, dont les ailes semblaient de cristal. Le médecin surveillait attentivement le pouls presque imperceptible de la malade.

— Le drame a eu lieu depuis plus de six heures… Et on l’a laissée ainsi, sans soins, grommela-t-il.

Kheira ouvrit les yeux, bégayant quelques mots qui restèrent accrochés dans sa gorge. Le capitaine Lepage se pencha à son tour vers elle et lui parla doucement, dans la langue qu’elle comprenait, la réconfortant des mots apaisants que les siens lui refusaient.

— Qui a fait cela ? interrogea-t-il enfin.

Elle hésitait à répondre ; il insista, tentant de la convaincre.

Au loin, le grondement de la voiture s’enfla dans un crescendo régulier qui s’acheva net dans un bruit mou, étrange, feutré, annonçant qu’elle s’était ensablée.

— Courez, vous autres ; Ramenez la trousse de chirurgie ! ordonna le chef de poste.

Nul ne bougea.

— Pas la peine, grommela le toubib. Trop tard ! Hémorragie interne. Je ne peux plus rien pour elle.

Le visage de Kheira se crispait, puis s’estompait, s’adoucissait…

— Qui est-ce ? répéta le capitaine, plus pressant.

La victime fit un effort. Ses yeux s’ouvrirent grands, cherchant à dégager les réalités du halo qui les enveloppait ; la respiration s’arrêta, sifflante, les muscles des tempes se tendirent, la tête se rejeta en arrière pour