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LA LOI DU SUD

Des patrouilles battirent la ville ; les caïds des nomades furent sommés de retrouver la cachette du meurtrier ; la surveillance redoubla dans les rues couvertes, et surtout à Nezla selon les instructions du capitaine Lepage. La police indigène bousculait les Ouled-Naïls sur le pas des portes, envahissant à l’improviste les hammams et les cafés maures.

Le marché du vendredi emplissait le village d’une foule dense d’indigènes qui se répandaient dans les maisons de danses.

Dans la longue salle basse et sordide, ils attendaient la venue des courtisanes devant leur tasse de thé à la menthe. Elles apparurent, tandis qu’un orchestre de khaïtas et de derboukas déchaînait une musique stridente et âpre. La première danseuse était vieille et fanée dans sa robe d’un rouge éclatant ; mais dès que ses hanches s’agitèrent, elle se révéla séduisante. Deux Ouled-Naïls lui succédèrent, enveloppées de robes vertes et de voiles blancs, leurs tailles minces ornées d’une ceinture d’or. Elles firent le tour de la salle, à pas menus, se tenant par le petit doigt, une étrange gravité peinte sur leurs traits. Soudain, leurs mains levées s’agitèrent, tel un vol de colombes. Puis ce fut la danse du cou, celle des seins. Le rythme s’affolait, secouant houleusement leur chair dure. Et une lueur de convoitise et de rage s’alluma dans tous les regards virils.

Chiffa, cheveux nattés, recevait sur le front les billets qu’y collaient les assistants, après les avoir humectés de leur salive. Un musicien, descendu de l’estrade, les enlevait, un à un, avec dextérité. Ils restaient seuls, face à face. Le joueur de khaïta était un petit homme laid, qui improvisait un air barbare, se baissait, se relevait, rampait, toujours sans cesser de jouer. Et la fille dansait, esclave, captive des sons enchantés, suivant si parfaitement le rythme que la musique semblait lui coller au corps et se matérialiser, vivante, trépidante, sensuelle. Le musicien avançait toujours, bloquant la danseuse