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LA LOI DU SUD

dissement rageur. Il frappa à l’huis d’une porte faite de planches mal réunies. Un indigène ouvrit. Quittant son voile, le fugitif se fit reconnaître et las, il s’étendit sur une natte, à côté des hommes de sa race.

Chaque nuit Allouane quittait l’asile sûr où il avait usé les heures de la journée dans une rêverie sans fin, et, déguisé en femme, rejoignait Chiffa, dans sa chambre, à l’heure où le couvre-feu sonnait. Le danger donnait à leurs étreintes un goût nouveau.

Comme lui, le brigadier Séguin appréciait Chiffa. Il ne se passait guère de soirée où il n’allât la retrouver.

Ce soir-là il quittait la courtisane lorsqu’une des vieilles matrones qui exercent dans Nezla mille métiers louches l’arrêta.

— Tu pars déjà ? questionna-t-elle d’un air où l’obséquiosité le disputait à la moquerie.

— J’ai… terminé ce que j’avais à faire, répondit-il guilleret.

— Crois-tu ?

— Penses-tu me retenir avec tes charmes ?

Elle ferma à demi les yeux et, équivoque, insinua :

— Moi, non ! Mais d’autres choses, peut-être.

— Lesquelles ? Parle ? Tiendrais-tu en réserve une agnelle toute neuve ?…

— Il n’en est pas question !

— Alors…

— Alors : reste… c’est un conseil que je te donne. Mais fais en sorte qu’on ne te voie pas, et tu auras une surprise… Une belle surprise… Tu ne regretteras pas d’avoir attendu.

À tout hasard, il lui lança une pièce :

— Si tu n’as pas menti, tu en auras d’autres.

Elle disparut avec un ricanement. Indécis, sans savoir exactement à quel mobile il obéissait, Séguin, se dissi-