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LA LOI DU SUD

— Je ne crois pas.

Elle balbutia quelques mots et s’échappa.

Autour d’eux, on les regardait. De belles jeunes filles se dépitaient de voir Bernard s’intéresser justement à celle dont personne ne s’occupait jamais.

Il n’en avait cure. Il aurait voulu simplement consoler Sylvia, parce que son lot était le plus triste.

Il ne fut pas long à la rejoindre et cette fois l’empêcha de s’enfuir.

Sous l’effet de sa présence et du verre de raki dans lequel elle avait trempé ses lèvres, elle s’anima un peu. Elle oublia ceux qui l’entouraient. Des chants parvenaient vaguement jusqu’à elle, venus des bosquets où les taches blanches des chemises à manches amples s’agitaient.

Elle parlait à son tour, grisée par la douceur de l’heure.

Quelqu’un les interpella :

— Eh ! les amoureux, on va se baigner, suivez-nous !

— Je reste, annonça Sylvia d’un air décidé.

— Je vous tiendrai compagnie, dit Bernard.

— Non, il ne faut pas. Rejoignez les autres.

Il mentit :

— Je ne sais pas nager.

Un sourire heureux éclata sur le visage de Sylvia.

Bernard songeait. Plus jamais il n’aimerait — il en était sûr. Pourquoi ne pas se sacrifier ? Pourquoi ne pas donner à cette jeune fille sans joie un peu de bonheur ? Il pensa l’emmener avec lui, l’épouser. On s’étonnerait sans doute de lui voir cette compagne fruste, mais que lui importait ? Et peut-être s’épanouirait-elle lorsqu’elle croirait à l’amour ?

Le soir descendait, irréellement rose.

Les murs étaient chauds de soleil. Un arbre immense débordait d’un jardin, jetant sur le sentier où ils se tendent une ombre violette.

Sylvia s’étonnait de voir Bernard près d’elle, jamais