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L’HOMME QUI VOULUT CHANGER LE DESTIN

on ne l’avait regardée ainsi avec un regard presque tendre.

La main de Bernard se posa sur son bras. Elle ne résista point. Alors il se décida. L’attirant contre lui, il l’enlaça.

Au moment où ses lèvres effleuraient les cheveux de Sylvia, elle se ressaisit et poussa un cri.

Et la bande joyeuse qui remontait la vit repousser brutalement l’étranger et s’enfuir.

Bernard restait à la même place. Il vit sur lui des yeux qui le jugeaient sévèrement. Il eut envie de rire. Jamais il n’aurait supposé une fin aussi ridicule à cette aventure.

Alors il s’inclina et partit.

Arrivé au bas de la côte, il s’arrêta pour réfléchir. Son cœur était de nouveau plein de pitié pour Sylvia. Il était naturel qu’elle se fût effarouchée, elle qu’aucun homme n’avait désirée. Elle ne pouvait pas comprendre.

Bernard résolut de la sauver malgré elle.

D’un mouvement preste, il enleva sa veste et ses chaussures. Il y ajouta quelques papiers sans importance et sa montre.

Puis il reprit le canot et se dirigea vers La Capitane. En retrouvant ses vêtements, on penserait qu’il s’était suicidé parce que Sylvia l’avait repoussé. Et toute sa vie, elle croirait qu’un homme avait voulu mourir plutôt que de ne pas être aimé d’elle.

Quand Bernard fut remonté sur son yacht, il donna l’ordre de lever l’ancre.

En regardant s’éloigner les côtes sous la douce clarté lunaire, il réfléchit. Ce qu’il avait fait était trop romanesque, trop absurde. Mais il était trop tard pour rien changer à ses actes.

— Laissons faire le destin, dit-il à voix basse.

Mais le destin, c’est lui qui venait de le forcer.

Cinq ans plus tard, La Capitane mouillait non loin de la petite crique aux abords de Corfou.