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DU SANG SOUS LA TENTE

— Messaouda, cet étranger qui vient d’arriver…

— Ce n’est pas un étranger, vraiment… Mais tu ne dois pas t’intéresser à lui. Laisse, ma colombe, le malheur connaît le chemin, ne l’appelle pas.

Elle insiste :

— Est-il beau ?

— Il est grand, souple comme un palmier, avec des yeux couleur de nuage. Mais ces lèvres sont étroites, on dirait que la tristesse les a scellées.

— Je voudrais bien le voir, soupire la jeune femme.

— Tais-toi, dit l’esclave en frissonnant.

Mais Talhia a entr’ouvert la tente et s’est penchée. Elle voit le visiteur et ferme ses yeux — le temps d’un battement de cœur — tant son trouble est grand. Il ressemble à l’autre, il lui rappelle que l’amour existe et qu’elle l’a vainement attendu.

L’hôte s’endormait à peine. La tente fut soulevée, la lune entra, et, dans son sillage argenté, Talhia apparut.

Il fut ébloui. Quelque chose fondit en lui. Son cœur éclata. Tout ce qui était sombre, angoissé, torturé, s’éclaira. Un insoutenable bonheur l’envahit.

— Comme tu est belle ! dit-il.

Deux années sombres disparaissaient. Devant lui Talhia avait enlevé le haïck qui l’enveloppait ; un pantalon de gaze et une blouse couleur de lune la vêtaient seulement.

— Attends ! ne bouge pas !

Il saisit ses crayons et se mit à travailler dans une sorte d’ardeur folle. Le temps passait. Talhia souriait d’un sourire divin.

Il chuchota :

— Tu reviendras demain ?

D’un signe, elle acquiesça.

Au matin, il hésita dans ses souvenirs. Avait-il vu