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LA LOI DU SUD

Soudain, aux applaudissements de la foule, elle comprit que le spectacle était terminé.

Les gens s’écoulaient lentement par l’étroite porte. Catherine ne pouvait se décider à partir : cette silhouette calme, cette force cachée, lui étaient une obsession. Elle eut envie de revoir ce visage brun et chaud, ces cheveux sombres et lustrés comme le pelage d’une bête ravissante et dangereuse.

Les baraques et les manèges fermaient. La foule assagie coulait lentement entre les toiles peintes et les guirlandes de lampes de couleur, dans le bruit des dernières orchestrations.

Comme hypnotisée, encore sous l’emprise subite qui l’avait retenue près de la cage aux fauves, Catherine se mêla aux autres. Elle était à la fois effrayée et heureuse de cette liberté reconquise. Mais, plus puissante que sa volonté, une force inconnue la ramena près du crique forain. Glissant dans la foule, elle s’approcha de la baraque du dompteur et poussa la porte de la roulotte silencieuse.

Dans cette pièce minuscule et mal éclairée, des cuivres brillaient sur des meubles luisants et solides, au-dessus d’un petit divan recouvert d’une étoffe à ramages, des photos encadrées créaient la merveilleuse nostalgie des voyages.

À un crochet pendait un dolman rouge soutaché d’or. Les brandebourgs rugueux irritèrent ses doigts ; l’étoffe était douce au toucher.

Un bruit, derrière elle, la fit sursauter.

L’homme auquel elle n’avait cessé de penser parut sur le seuil.

Catherine ne sut quoi dire.

— Monsieur, n’allez pas croire que…

Elle s’arrêta, embarrassée.

L’homme sourit. L’eau claire de ses yeux et ses dents blanches éclairaient à présent des traits presque tendres.

Ce sourire lui redonna du courage.