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ON NE DOMPTE PAS L’AMOUR

— Je suis entrée. Je vous ai vu travailler.

C’était magnifique. Je voudrais vous parler.

— Vous aimez les fauves ?

Il la dévisageait et trouvait qu’avec son visage ovale, ses yeux dorés, sa toison rousse, son front têtu et sa grâce souple, elle ressemblait à l’un d’eux.

— Je ne sais pas, dit-elle.

Le souvenir de ce qu’elle avait ressenti en se penchant sur la cage la fit affirmer cette fois :

— Je veux devenir dompteuse.

— Je déteste ce nom, fit l’homme. Je ne cherche pas à dompter mes bêtes, je veux les comprendre ; il faut qu’elles m’obéissent, non parce qu’elles ont peur, mais parce qu’elles me savent le plus fort. Je veux les dominer. Ce n’est pas pour le public, mais pour moi-même que je lutte. Peu à peu elles cèdent, les femelles surtout.

— Les femelles ?

— Oui, elles sentent ma force. Elles ont toujours obéi aux mâles. C’est leur sort. C’est la loi des bêtes et des humains aussi.

Il redressa la tête. Elle vit que sa gorge avait été labourée par les griffes de quelque fauve.

Il suivit son regard.

— Bien sûr. Il y a des fois… C’est le souvenir d’une lionne. Elle m’avait saisi et me tenait, attendant on ne sait quoi pour desserrer son étreinte. Elle attendait peut-être que je crie. Mais c’est elle qui a cédé. Comme tant d’autres.

Mais revenons à vous. Ce que vous m’avez demandé me semble impossible. Notre métier ne s’apprend pas. Justement parce que ce n’est pas un métier.

— Dans ce cas, ce sera plus facile, affirma Catherine. Mettez-moi à l’essai.

— Le danger ne vous fait pas peur ?

Elle le défia :

— Aucun danger.