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LA LOI DU SUD

Hanka marcha encore. Elle suivait un mauvais chemin de terre que les roues des chariots avaient creusé d’ornières profondes. Et parfois, son pied manquait. Une fois même, elle tomba sur les genoux, mais elle se releva et repartit.

Un peu de vent agaçait les mèches qui pendaient le long de son visage et jouait de temps à autre avec ses jupes lourdes et le pan rigide de son fichu. Elle ne le sentait pas. Ses yeux fouillaient la plaine triste et s’efforçaient à suivre, jusqu’à l’horizon inaccessible, les ornières tortueuses du chemin.

La fatigue la contraignit à s’arrêter. Elle reprit haleine, puis repartit. Toute halte lui semblait une faute, mais chaque pas lui était une douleur.

Elle allait.

Enfin, elle vit le moine qui cheminait, le corps voûté. Toutes ses forces lui revinrent. Elle le rejoignit en courant.

— Les pains sont en croix, que faut-il faire ? Qu’avons-nous fait ?

Le Père leva les yeux vers le ciel et ses lèvres invisibles laissèrent tomber :

— Tu ne découvriras point la nudité de la fille de ton père, née dans la maison ou hors de la maison.

Hanka resta pensive. Puis elle comprit :

— Est-ce là notre péché ?

Elle se sentait soulagée déjà.

Le moine continua :

— Si un homme prend sa sœur, fille de son père, s’il voit sa nudité et qu’elle soit la sienne, c’est une infamie ; ils seront retranchés sous les yeux des enfants de leur peuple.

— Mais pourquoi nous ? dit la femme. Presque tous ici, nous sommes nés du même père, et déjà nos parents étaient du même sang, et comment pourrait-il en être autrement ? Ce n’est pas possible, Père, vous vous trompez. Nous nous aimons, Gabor et moi, et nous