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LES ENFANTS DU PÉCHÉ

Une charrette passa, dont les fers sonnaient au trot nonchalant du cheval.

Un peu de fumée monta droit d’une cheminée de la demeure seigneuriale.

Gabor sut qu’il devait retirer sa fournée.

Hanka dormait toujours et sa respiration calme soulevait rythmiquement l’étoffe sur ses seins.

Gabor manœuvra le contrepoids ; la porte du four bailla et la chaleur bondit au visage de l’homme.

Mais, déjà, il glissait la large pelle de bois et retirait les pains.

Il poussa un hurlement.

Les beaux pains dorés qu’il avait façonnés en boules avaient cuit en forme de croix, et stupide, n’osant y toucher, Gabor regardait ces étranges pains posés sur sa pelle, ses pains étalés en quatre branches égales.

Il se signa.

Au cri de Gabor, Hanka s’était réveillée. Elle aussi contemplait les pains.

— La malédiction de Dieu est sur nous, dit-elle tristement.

— C’est le Père, murmura Gabor. Il l’a dit. Nos péchés sont entre nous et Dieu. Mais quels sont nos péchés ?

— Hanka, va, il faut savoir, vite. Vite.

Docile, la femme s’en fut.

Le moine était parti déjà.

Alors, elle s’habilla.

Puis, sur le seuil de l’isba, elle resta un moment immobile, les traits crispés.

Tout à coup, comme un oiseau qui a pris le vent, elle s’élança droit devant elle.

Elle courait. Puis elle courut moins fort. Puis elle marcha, puis son corps se fit lourd. Dans la plaine sans fin, elle traîna ce corps lourd qui lui semblait étranger.

Elle ne voyait personne.

Un vol de corbeaux passa en croassant.