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AU DELÀ DE L’AMOUR

réveillera, elle trouve un sourire compatissant pour l’accueillir.

Enfin elle bouge. Un instant, ses yeux reflètent sa stupeur. Puis, elle retrouve son malheur qui l’attendait, au seuil du sommeil.

— Oh ! dit-elle, simplement.

Et elle se met à pleurer, sans bruit, de lourdes larmes qui glissent et sèchent d’elles-mêmes sur ses joues brûlantes.

Je la prends dans mes bras. Je la berce.

— Pleure, pleure, peut-être ta peine sera-t-elle moins lourde à porter.

Elle s’apaise.

— Qui es-tu ? me demande-t-elle.

— Une femme. Une amie. N’aie aucune crainte. Je sais tout. Mais je ne dirai rien. Tu mettras une de mes robes et nous t’emmènerons où tu voudras… dans ton pays.

— Je n’ai plus de pays… Je n’ai plus rien… Tout ce que je possédais au monde, c’était un homme. Il est mort…

— Pauvre petite !

— Ils l’ont tué. Pourtant c’était l’homme le plus beau, le plus brave, le plus merveilleux.

— C’est lui qui t’a amenée ici ?

— Oui… Je suis Française, née dans une province de l’Est. J’ai fait mes études à Besançon. J’étais encore à l’École Normale quand mes parents moururent dans un accident d’auto. J’étais pauvre. Je partis comme institutrice dans une famille de colons, à Méchéria. La vie coulait douce, sans heurts. J’avais vingt ans quand je rencontrai, chez des indigènes, l’homme que j’allais aimer. Il a suffi d’un regard pour que je me sente à lui, pour toujours. C’était un homme fait pour une vie libre, sans lois, une vie rude, une vie dangereuse. Il détroussait les caravanes et vivait au jour le jour dans l’immensité saharienne. Il me dit tout cela, en même temps que