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LA LOI DU SUD

loppe son corps frêle. Ses pieds sont nus, il est couvert de poussière, de la poussière dorée des pistes. Immédiatement, je songe au fugitif, dernier rescapé du djich vaincu. C’est lui, à n’en pas douter.

Je déroule le chèche. Je vois apparaître un beau visage d’adolescent, bronzé et imberbe. Un gémissement sort de la bouche fermée. Je soulève la tête, tapote les mains froides, défait la gandourah pour que l’air du soir baigne ce corps douloureux. L’adolescent sort enfin de son évanouissement… Moi… je regarde avec stupeur la jeune poitrine ferme que la gandourah entr’ouverte m’a révélée. Une femme ! C’est une femme !

Ses yeux croisent mon regard.

— Je suis perdue, me disent-ils.

— Non, non, répondis-je à voix haute. Ayez confiance.

J’appelle à l’aide. Quelques instants plus tard les hommes emportent la jeune femme dans la tente qui m’est destinée.

Quand Ameur s’approche d’elle pour la soigner, je le repousse :

— Non, non, laisse-moi faire.

Surpris, il arrête son geste.

Je ne veux pas que soit dévoilé ici, devant tous ces hommes, ce fragile corps féminin.

Alors, je lui dis tout.

D’abord, il refuse de me croire. Une femme capable de suivre un djich ! On n’a jamais vu ça. Ce n’est pas possible ! Il faut une endurance surhumaine. Je lui montre les minuscules pieds nus que le sol a déformés. Il se retire après m’avoir dit gravement :

— Dis-lui qu’elle n’a rien à craindre avec nous. Je me charge d’elle. Parce que le courage, quel que soit l’être chez lequel on le rencontre, est digne de respect.

Toute la nuit j’ai veillé l’étrangère endormie. Je me suis étendue à côté d’elle sur la natte étroite et j’épie anxieusement son visage. Je veux que, lorsqu’elle se