Page:Nicolaï - La mort fait le trottoir, 1948.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Puis, devant l’entêtement de Ruby, cela avait été des menaces, des scènes, d’interminables querelles, des pleurs. Rien n’avait empêché la jeune fille d’aller en cachette prendre des leçons de danse.

Elle s’était d’abord dirigée vers la danse classique. Mais très vite elle avait dû y renoncer. À quinze ans, elle était déjà trop âgée pour débuter en cette spécialité qu’il faut entreprendre dès l’enfance et elle avait compris qu’elle ne percerait jamais parmi tant de danseuses mieux douées qu’elle et entraînées depuis plus longtemps.

Abandonnant délibérément les chaussons à pointe et le tutu, elle avait travaillé la danse acrobatique. Rien ne l’avait rebutée : la douleur des assouplissements entre les mains sans ménagement du professeur, la difficulté des exercices, la patience qu’il faut montrer pour arriver à exécuter correctement le grand écart, les pieds au mur ou le pont. La souplesse naturelle de son corps l’avait moins servie que sa volonté opiniâtre. Mais quelle récompense n’avait-elle pas eue quand son maître, un acrobate qu’un accident avait pour toujours éloigné de la piste, lui avait dit :

— Ça y est, mon petit. Tu peux maintenant chercher un engagement. Et si tu es sérieuse, tu arriveras.

Il lui avait fallu un peu plus de trois années de travail quotidien pour en arriver là. Pendant tout ce temps, ses parents n’avaient jamais rien su. Cha-