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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Tonio lâcha la gorge de Ruby, se retourna, se trouva nez à nez avec un grand Martiniquais, taillé en force, qui, très calme, la pipe à la bouche, le maintenait.

Tonio hésita.

— De quoi te mêles-tu, Max. C’est pas tes affaires.

— Je me mêle de ce qui me plaît, répondit l’autre avec placidité. Je n’aime pas voir les gens se conduire comme des sauvages.

Tonio considéra son adversaire. Max était connu dans le quartier. On le voyait presque tous les jours dans les bars de Montmartre. On ne savait ni qui il était, ni ce qu’il faisait, mais on connaissait sa force, son flegme, son ton d’ironie tranquille et décidée. On ne l’avait jamais vu en colère ; on ne l’avait jamais vu ivre non plus.

— Ça va, ça va, fit Tonio. Si on ne peut plus s’expliquer avec les poules qui vous font des crosses maintenant…

— Tu canes, Tonio, fit une voix dans la foule.

Tonio se redressa.

— S’il y en a un qui n’est pas content, il n’a qu’à venir s’expliquer dehors.

Max, en souriant, tirait sur sa pipe. Tonio se perdit dans la foule. Alors Max se tourna vers Ruby et dit à la jeune fille :

— Votre place n’est pas ici… Rentrez chez vous. Cela vaudra mieux.