Page:Nicolaï - La mort fait le trottoir, 1948.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
LA MORT FAIT LE TROTTOIR

À « l’Amiral », elle ne trouva pas Jean. Elle se fit servir de la bière et un sandwich. La dînette qu’elle avait si gaiement partagée avec Liliane et l’acrobate blonde était loin. Mais Ruby n’avait pas faim.

Pendant le temps qu’elle grignota son sandwich, personne ne fit attention à elle. Elle s’était placée dans le fond et, de là, surveillait la porte d’entrée. Chaque fois que celle-ci s’ouvrait, elle se demandait si Jean allait survenir.

Mais c’était un couple, c’était une fille, c’était un noctambule quelconque. Ce n’était jamais Jean.

Il était un peu plus d’une heure quand elle se décida à rentrer au Minerva. Elle paya, sortit, s’engagea dans la nuit que les réverbères refoulaient dans les angles des portes.

Comme elle traversait la petite place qui précède la rue Clauzel, elle vit venir vers elle un homme en lequel elle reconnut aussitôt celui qui, la veille, l’avait suivie.

Mais le bord de son chapeau était relevé par le vent, et Ruby pouvait voir son visage. Il n’avait rien d’effrayant, bien au contraire. Ses traits étaient doux, les yeux d’un bleu intense avaient on ne sait quoi de rêveur, de mélancolique. Il était bien découplé, sans lourdeur. Il y avait quelque chose de rassurant en lui.

— Excusez-moi de vous aborder ainsi. Mais j’aimerais vous accompagner, dit-il.

— C’est inutile. Ne vous donnez pas cette peine. J’habite tout à côté.

― Je le sais. Déjà hier…