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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

sement secouées par la tempête. Sous la rafale, elle pliait, puis se redressait, follement secouée par le tourbillon, et tout à coup, devenant rouge, elle fut flamme frénétique, déchiquetée, flamme haute qui bondit et saccage, embrase et dévaste ; elle fut la passion luxurieuse qui ne laisse point de repos, poursuit, ravage le corps, brûle l’âme.

Et soudain, dans le silence obtenu d’un strident coup de cymbale, la robe blanche s’abattit et en émergea, immobile et roide, le corps nu de la danseuse. Elle ne portait qu’un très étroit cache-sexe qui se confondait avec sa chair. Rien ne venait altérer la pureté de ses lignes : rien ne masquait l’offrande qu’elle faisait de son corps.

Sous la masse des cheveux, on ne distinguait pas son visage.

Un instant, elle demeura ainsi, rigide, statuette d’ambre clair sous la lumière dorée. Les bras rejetées en arrière, elle se dressait comme une figure de proue et n’eût été le très léger battement de sa gorge que soulevait sa respiration un peu essoufflée, on eût pu croire que c’était bien là une effigie taillée par le ciseau d’un incomparable artiste.

Puis la lumière s’éteignit. Quand elle revint, presque aussitôt, la danseuse avait disparu. L’orchestre attaqua un one-step. Les danseurs reprirent possession de la piste.

Dans l’étroite loge du « Chantilly » — Liliane se laissait éponger par une vieille femme obèse. Son visage, malgré le maquillage, avouait sa lassitude.