J’ai longtemps pensé, durant mon séjour en Perse, qu’une traduction française des quatrains de Khèyam pouvait offrir quelque intérêt pour l’Europe littéraire. Ce vieux grand poëte, qui florissait au xie siècle et qui faisait dans le Khoraçan les délices de la cour des Seldjoukides, continue encore de nos jours à charmer les loisirs du palais des Kadjars à Téhéran. Mais, d’un côté, la difficulté de traduire un écrivain si essentiellement abstrait dans ses pensées philosophiques, si étrangement mystique dans ses expressions figurées (trop souvent présentées sous des formes d’un matérialisme repoussant) ; d’un autre côté, les embarras que j’entrevoyais pour la correction des épreuves à une si grande distance de Paris, et par-dessus tout le sentiment de mon incapacité pour entreprendre un tel travail, m’avaient toujours empêché de le publier jusqu’à présent.
À mon dernier passage à Paris, j’y ai rencontré des amis avides de nouveauté en fait de littérature orientale, parmi lesquels j’aime à citer ici Mme Blanchecotte, connue par plusieurs publications vives et passionnées de moraliste et de poëte. Après avoir entendu les citations orales que j’ai pu leur faire succinctement de quelques quatrains du poëte qui nous occupe, ils m’ont si fortement conseillé d’en publier une tra-