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INTERROGATOIRE.

saient dans tous les coins. Je fis quelques questions indifférentes aux soldats, mais ils branlèrent la tête sans répondre un seul mot. Je demandai mon portemanteau : le caporal sortit, et au bout d’une demi-heure iL me l’apporta. Je m’étais très-prudemment pourvu de quelques livres, comme Plutarque, Horace, les Nuits d’Young, etc. Je partageai donc mon temps entre la lecture et la promenade en ligne diagonale dans ma prison. Pendant les trois premiers jours, je ne vis ni n’entendis personne, excepté mes soldats. Une fois cependant, j’entendis à travers le parvis la voix de Fischer qui fredonnait sourdement un air polonais. Le troisième jour, j’eus la visite de Titow; comme il craignait que je ne me plaignisse des mauvais traitements qu’il m’avait fait subir pendant la route, il fut cette fois très-poli et même bavard ; il me dit que le général Kosciuszko, par égard pour son état de santé, était logé chez le commandant de la forteresse ; que, dans la conversation que celui-ci eut avec lui, le premier jour de son arrivée, il l’engagea à mettre par écrit les raisons qui l’avaient porté à l’insurrection, son but, ses liaisons avec les cours étrangères, les moyens avec lesquels il soutenait la guerre, et autres circonstances qui y étaient relatives. Titow me dit que le général Kosciuszko travaillait à cet ouvrage avec autant de peine que de répugnance.