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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

Je reviens à mon triste journal. Après avoir quitté les anciennes frontières de la Pologne, nous entrâmes dans le gouvernement de Nowgorod, théâtre des exploits et des victoires de notre roi Étienne Batory ; il avait conquis toute cette province, pris d’assaut les forteresses de Wielikieluki, de Toropec, de Zawolocze ; etc., et aurait, en ce temps-là, pu conquérir tout cet empire, comme plus tard c’était le cas aussi sous Sigismond III, si le czar n’avait pas envoyé des ambassadeurs à Rome, offrant au pape Grégoire XIII d’abjurer le schisme et de se réunir à l’Église romaine, à condition qu’on engagerait le roi de Pologne à suspendre ses conquêtes. Batory, catholique plus zélé que bon politique, se laissa séduire par ces belles promesses ; il retira ses armées, et le czar, voyant le danger passé, retira sa parole et se moqua du roi et du pape : c’était, pour ainsi dire, la répétition de l’ancienne finesse des Paléologues, quand Constantinople était menacée par les Turcs. La province de Nowgorod est fertile, et quelques privilèges que l’impératrice a accordés à ses marchands, y ont ramené le commerce. Nous couchions souvent chez ces marchands, qui, avec leurs grandes barbes et leurs habits à l’asiatique, parcourent l’immense étendue de pays, depuis les frontières de la Chine jusqu’à la Pologne et même jusqu’à Leipzig,