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AURORE

qui n’est pas typique ! C’est ainsi que cette culture de la connaissance désintéressée du monde arrive en lui, le penseur-homme, à une floraison merveilleuse, cette culture qui a son poète en Sophocle, son homme d’État en Périclès, son médecin en Hippocrate, son savant naturaliste en Démocrite : cette culture qui mérite d’être baptisée du nom de ses maîtres, les sophistes, et qui malheureusement, dès le moment de son baptême, commence à devenir soudain pâle et insaisissable pour nous, — car dès lors nous soupçonnons que cette culture, qui fut combattue par Platon et par toutes les écoles socratiques, devait être bien immorale ! La vérité est ici si compliquée et si enchevêtrée que l’on répugne à la démêler : que la vieille erreur (error veritate simplicior) suive donc son vieux chemin !

169.

Le génie grec nous est très étranger. — Oriental ou moderne, asiatique ou européen : comparé au grec, toute chose possède en propre l’énormité et la jouissance des grandes masses, comme langage du sublime, tandis qu’à Pæstum, à Pompéi et à Athènes on s’étonne, devant toute l’architecture grecque, de voir avec quelles petites masses les Grecs savaient exprimer quelque chose de sublime et aimaient à l’exprimer ainsi. — De même : combien en Grèce les hommes étaient simples dans l’idée qu’ils se faisaient d’eux-mêmes ! Combien nous les dépassons dans la connaissance des hommes ! Combien pleines de labyrinthes aussi, apparaissent nos âmes et nos