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AURORE

représentations de l’âme, en comparaison des leurs ! Si nous voulions tenter une architecture d’après le mode de notre âme (nous sommes trop lâches pour cela) : — le labyrinthe devrait être notre prototype ! La musique qui nous est propre et qui nous exprime véritablement laisse déjà deviner le labyrinthe (car en musique les hommes se laissent aller parce qu’ils se figurent qu’il n’y a personne qui soit capable de les voir mêmes sous leur musique).

170.

Autres perspectives du sentiment. — Que signifie notre bavardage à propos des Grecs ! Qu’entendons-nous donc à leur art, dont l’âme est la passion pour la beauté masculine nue ! — Ce n’est qu’en partant de là qu’ils avaient le sentiment de la beauté féminine. Ils avaient donc, pour celle-ci, une toute autre perspective que nous. Et il en était de même de leur amour de la femme : ils vénéraient autrement, ils méprisaient autrement.

171.

L’alimentation de l’homme moderne. — L’homme moderne s’entend à digérer beaucoup de choses et même à digérer presque tout, — c’est là sa vanité à lui : mais il serait d’une espèce supérieure justement s’il ne s’entendait pas à cela : homo pamphagus, ce n’est pas ce qu’il y a de plus fin. Nous vivons entre un passé qui avait un goût plus maniaque et plus entêté que nous et un avenir qui en aura peut-être un plus choisi, — nous vivons trop au milieu.