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AURORE

offensés. Les meilleurs d’entre eux sont indulgents et attendent patiemment que nous retrouvions le « droit chemin » — celui qu’ils connaissent si bien ! Les autres raillent et feignent de croire à un accès de folie passagère, ou ils désignent amèrement un séducteur. Les plus méchants nous déclarent de simples fous et cherchent à incriminer les motifs de notre conduite ; le pire de tous voit en nous son pire ennemi, qu’une longue dépendance a assoiffé de vengeance, — et il a peur de nous. — Que faut-il donc faire ? Voici : inaugurer notre règne en assurant d’avance pour un an amnistie plénière à nos amis pour toute espèce de péchés.

485.

Perspectives lointaines. — A : Mais pourquoi donc cette solitude ? — B : Je ne suis fâché avec personne. Lorsque je suis seul cependant, il me semble que je vois mieux mes amis, que je les vois sous un jour plus favorable que lorsque je me trouve auprès d’eux et lorsque j’aimais le plus la musique, lorsque j’en avais le sentiment le plus exact, je vivais loin d’elle. Il semble qu’il me faille les perspectives lointaines pour bien penser des choses.

486.

L’or et la faim. — De-ci de-là on rencontre un homme qui transmue en or tout ce qu’il touche. Un beau jour il finira par découvrir qu’à ce jeu il lui faudra mourir de faim. Tout ce qui est autour de lui est brillant, superbe, idéal et inaccessible, et