magne, c’est ainsi que l’on vénère Wagner en un temps qui
porte de nouveau au pinacle la vantardise germanique. Ce
Wagner « essentiellement allemand » n’excite pas du tout.
Je suppose qu’il est la chimère de très obscurs jeunes gens
et jeunes filles d’Allemagne qui, par ce décret, voudraient
se glorifier eux-mêmes. Qu’il y ait quelque chose d’allemand
en Wagner, c’est probable ; mais quoi ? Peut-être seulement
le degré et non la qualité de ses dons ? Peut-être seulement
ceci que, dans son œuvre, tout est plus fort, plus abondent,
plus audacieux, plus dur que n’aurait pu le faire un Français
du dix-neuvième siècle ? Qu’il ait été plus sévère pour lui-même
et que, durant une grande partie de sa vie, il ait vécu
à sa manière, en athée antinomiste et immoraliste ? Qu’il
ait inventé le personnage d’un homme très libre, Siegfried,
lequel peut sans doute paraître trop libre, trop dur, trop
joyeux, trop anti-chrétien pour le goût latin ? — Il est vrai
qu’il a su réparer en fin de compte ce péché contre le romantisme
français. Le Wagner de la dernière manière, dans
ses vieux jours, avec sa caricature de Siegfried, je veux
dire son Parsifal, est venu au devant non seulement du goût
latin, mais encore, littéralement, du goût catholique-romain,
jusqu’à ce qu’il ait fini par prendre congé en pliant le genou
devant la croix, affirmant, non sans éloquence, la soif qu’il
avait du « sang du Sauveur ». Il a pris congé de lui-même
aussi ! Car c’est chez les romantiques vieillis une règle funeste
de terminer leur vie en se « reniant » et en se méconnaissant
eux-mêmes de façon à effacer leur vie !
4.
La déduction de l’œuvre à son créateur ; la terrible question de savoir si c’est l’abondance ou les privations, la folie de la privation qui pousse à créer ; la compréhension soudaine que tout idéal romantique est une fuite devant soi-même, la