Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/103

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moins célèbre. Pourtant, s’il voulait être comédien à tout prix, je souhaiterais qu’il fût bon comédien et qu’il imitât mieux le génie naïf et le classique, pour arriver à écrire d’une façon classique et géniale. Car il me reste à dire encore que Strauss est mauvais comédien et même styliste détestable.

11.

Le blâme que j’adresse à Strauss qu’il est un mauvais écrivain s’affaiblit, il est vrai, par le fait qu’il est très difficile, en Allemagne, de devenir un écrivain moyen et passable et qu’il est singulièrement invraisemblable que l’on puisse devenir un bon écrivain. Il nous manque ici le terrain naturel, l’évaluation artistique, la manière de traiter le discours oral et son développement. Le discours, dans toutes ses manifestations publiques, que ce soit la conversation des salons, le prêche ou le discours parlementaire, n’étant pas encore parvenu à un style national, et tout ce qui parle en Allemagne n’étant pas encore sorti de la naïve expérimentation avec le langage, l’écrivain ne saurait posséder de norme unitaire et il a un certain droit à se mesurer, de son propre chef avec la langue. Mais la conséquence inévitable de cet état de choses c’est cette dilapidation illimitée de la langue allemande actuelle que Schopenhauer a décrite avec tant d’énergie. « Si cela continue ainsi, disait-il un jour, en 1900