Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/131

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simuler. La faculté de pouvoir sentir, en une certaine mesure, d’une façon non historique devra donc être tenue par nous pour la faculté la plus importante, pour une faculté primordiale, en tant qu’elle renferme le fondement sur lequel peut seul s’édifier quelque chose de solide, de bien portant et de grand, quelque chose de véritablement humain. Ce qui est non historique ressemble à une atmosphère ambiante, où seule peut s’engendrer la vie, pour disparaître de nouveau avec l’anéantissement de cette atmosphère. À vrai dire, l’homme ne devient homme que lorsqu’il arrive en pensant, en repensant, en comparant, en séparant et en réunissant, à restreindre cet élément non historique. Dans la nuée qui l’enveloppe, naît alors un rayon de claire lumière et il possède la force d’utiliser ce qui est passé, en vue de la vie, pour transformer les événements en histoire. Mais, lorsque les souvenirs historiques deviennent trop écrasants, l’homme cesse de nouveau d’être, et, s’il n’avait pas possédé cette ambiance non historique il n’aurait jamais commencé d’être, il n’aurait jamais osé commencer. Où y a-t-il des actes que l’homme eût été capable d’accomplir sans s’être enveloppé d’abord de cette nuée non historique ?

Mais abandonnons les images et illustrons notre démonstration par un exemple. Qu’on s’imagine un homme secoué ou entraîné par une passion violente, soit pour une femme, soit pour une