Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/16

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au petit nombre de ceux qui avaient le droit de le dire aux Allemands sur un ton de reproche. « Nous autres Allemands, nous sommes d’hier — disait un jour Gœthe à Eckermann — ; il est vrai que, depuis un siècle, nous avons cultivé solidement notre esprit, mais il se peut bien qu’il se passe encore quelques siècles avant que nos compatriotes se pénètrent d’assez d’esprit et de culture supérieure, pour que l’on puisse dire d’eux qu’il y a très longtemps qu’ils ont été des barbares. »

2.

Si pourtant notre vie publique et privée ne porte évidemment pas l’empreinte d’une culture productive et pleine de caractère, si nos grands artistes, avec une sérieuse insistance et une franchise qui est le propre de la grandeur, ont avoué et avouent encore ce fait monstrueux et profondément humiliant pour un peuple doué, comment est-il possible que, parmi les gens instruits de l’Allemagne, règne quand même cette grande satisfaction, une satisfaction qui, depuis la dernière guerre, se montre sans cesse prête à faire explosion, pour se changer en joie pétulante, en cris de triomphe ? En tous les cas, l’on s’imagine que l’on possède une véritable culture et un petit nombre seulement qui forme l’élite, semble s’apercevoir de l’énorme