Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/29

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point les condoléances doucereuses du discoureur. Certes, on avoue que l’on est un philistin, mais à aucun prix on ne veut être un barbare. Ce pauvre Hœderlin n’a malheureusement pas su faire cette subtile distinction (1). Il est vrai que lorsque l’on songe, en entendant le mot barbarie, au contraire de la civilisation et peut-être même aux pirates et aux anthropophages, on aura raison de séparer les termes. Mais apparemment l’esthéticien veut nous dire que l’on peut être philistin et pourtant homme civilisé. Voilà l’humour qui manquait à ce pauvre Hœ lderlin et il est mort de ce manque d’humour.

Dans la même occasion, l’orateur a laissé échapper un second aveu : « Ce n’est pas toujours la force de volonté, mais souvent la faiblesse qui nous fait passer outre, en face de l’aspiration à la beauté que les âmes tragiques sentent en elles avec tant de violence. » — C’est à peu près dans ces termes qu’a été faite cette confession, prononcée au nom de ces « nous » assemblés, de ceux qui ont « passé outre », « passé outre par faiblesse » ! Contentons-nous de l’aveu ! Maintenant nous avons appris deux choses, de la bouche même d’un initié : d’une part que ces « nous » ont véritablement passé sur l’aspiration à la beauté, qu’ils ont même passé outre ; et,