Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/63

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expressions rudes et tapageuses tout ce qui s’est acumulé en lui de force et d’énergie. Après avoir prononcé la parole, il est plus lâche que le serait celui qui n’aurait jamais parlé. Sa morale qui reflète l’action montre encore qu’il n’est qu’un héros du verbe, et qu’il évite toutes les occasions où il serait nécessaire de passer des mots aux choses profondément sérieuses. Il proclame, avec une franchise digne d’admiration, qu’il n’est plus chrétien, mais il ne veut troubler aucune satisfaction de quelque espèce qu’elle soit ; il trouve contradictoire de fonder une société pour renverser une autre société — ce qui est discutable. Avec un sentiment de bien-être un peu rude, il s’enveloppe dans le vêtement velu de nos généalogistes du singe et loue Darwin comme un des plus grands bienfaiteurs de l’humanité. Mais notre confusion est grande de voir que son éthique s’édifie indépendamment de la question : « Comment comprenons-nous le monde ? » C’était l’occasion de montrer un courage naturel, car Strauss aurait dû tourner le dos à ceux qu’il appelle « nous » et conclure du bellum omnium contra omnes et du privilège des plus forts à des privilèges moraux pour la vie, lesquels ne pourraient naître que dans un esprit intrépide, comme fut celui d’Hobbes, et dans un amour de la vérité bien autrement grandiose que celui qui ne se manifeste jamais que par de vigoureuses invectives contre les curés, le miracle et le « charlatanisme