Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/69

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désir de la vérité, un Dieu qui se jetterait peut-être même humblement aux pieds de Strauss et lui dirait : Toute la vérité est pour toi !... Si jamais un Dieu et un homme ont été mal conseillés, ce fut ce Dieu de Strauss, amateur d’erreurs et de fautes, et cet homme de Strauss qui pâtit des erreurs et des fautes de l’amateur. Certes, voilà qui aurait « une signification d’une portée infinie » ! L’huile universelle et lénitive de Strauss se met à couler ! On pressent alors la sagesse de tout devenir et de toutes les lois de la nature ! Vraiment ? Notre univers ne serait-il pas, bien au contraire, comme Lichtenberg s’est une fois exprimé, l’œuvre d’un être subalterne, qui ne s’entendait pas encore très bien à son affaire, par conséquent une tentative, un coup d’essai, une œuvre sur laquelle on continue à travailler ? Strauss lui-même serait donc contraint de s’avouer que notre univers n’est pas le théâtre de la raison, mais de l’erreur, et que la conformité aux lois ne contient rien de consolant, parce que toutes les lois ont été promulguées par un Dieu qui se trompe à plaisir.

C’est véritablement un spectacle divertissant de voir Strauss, en architecte métaphysicien, en train de construire dans les nuages. Mais pour qui ce spectacle est-il mis en scène ? Pour ces braves patauds que Strauss appelle « nous », afin que leur bonne humeur ne soit pas troublée. Peut-être leur est-il arrivé d’avoir été saisis de peur au milieu